AUTO RETRO, 03.1993.
N S T A N TA N E S
TEXTE : PIERRE DOZE
LES NOUYEAUX TSARS DU RETROMOBILISME RUSSE
« La Russie, c'est le Kiondyke ! ». Ainsi nous accueille Dimitri Alexandrovitch Lomakov en nous presentant ses merveilles d'epoque à 2 ou 4 roues. La cooperative Retromotor, dont il assure la direction, beneficie pour ainsi dire d'un statut de monopole absolu en Russie. Outre une collection impressionnante, elle demeure, à l'heure actuelle, la seule societe autorisee à proposer à la vente voitures et motos d'avant-guerre, d'origine sovietique ou etrangere. Histoire d'un reve realise...
Il fait -10° à l'exterieur et -2° dans le garage-atelier de Retromotor. Il parait que les voitures n'en souffrent pas mais on ne peut pas en dire autant des hommes ; ou des appareils photos, qui refusent rapidement de travailler dans de telles conditions... Sur le toit en tole ondulee, on entend galoper les petits voleurs qui s'attaquent à l'usine de pain voisine. Dans le garage, pas un metre carre n'est disponible, la BMW Isetta touche une Adler qui cotoie elle-même une BSA 500 Sport pour former un embouteillage d'epoque impressionnant, surtout en Russie. Une Tchaika trop rutilante (rendant l'entree impraticable), constitue ici l'exception qui confirme la regie essentielle de la maison : toutes les machines, autos ou motos, doivent dater d'avant 1945 pour passer cette porte. Avec precaution, les housses des deux « obstacles » suivants sont soulevees : une Horch 853 A (« Automobile de l'Annee au salon de Paris en 1935 » precise-l-on ici avec fierte) et une Mercedes 540 K (1936) apparaissent soudain : elles semblent sortir de la parade, petits drapeaux en moins. La premiere aurait appartenu à Goering, et la seconde à Goebbels. « J'ai des preuves de tout ce que j'avance » precise Dimitri Alexandrovitch Lomakov, le tres serieux patron de Retromotor. A 26 ans, il dirige depuis trois ans cette « cooperative familiale » qu'il a fondee avec son pere et son frere. Le responsable de cette passion, une folie dangereuse en Union Sovietique, devenue profession lucrative en Russie ? Son pere, Alexandre Alexeevitch. « Mon pere a travaille 20 ans aux usines ZIL precise Dimitri. Diplome de trois ecoles d'art, il y etait notamment responsable des elements de decoration et de la conception des affiches. Par hasard, il a fait partie du groupe designe pour restaurer la celebre Rolls de Lenine (cuirs, bois, peinture). Mais il attrapera reellement le « virus » lorsqu'on lui donnera acces à toutes les archives necessaires à la restauration de ce vehicule... ». Alexandre Alexeevitch commence alors à collectionner les voitures. Dimitri avait 7 ans lorsque son pere tomba par hasard sur la Horch, dans un etat detestable. Elle sera sa hu'ticme conquête, la plus impressionnante. « A ce moment-là, ma mere lui a demande de choisir, entre elle et «ses» voitures. C'est elle qui a fini par partir. Je me souviens que nous avons commence à manger tres mal à la maison »...
Une passion prohibee
Cette passion devorante etait prohibee dans l'Union Sovietique de Brejnev ou l'on ne reconnaissait pas à un simple citoyen le droit de collectionner des automobiles ou des motos (Brejnev, lui, ne s'en est pas prive mais il n'etait pas un « simple » citoyen...). Au pays de la Lada triomphante et ou le premier prix d'un grand jeu du type Loto Sportif permettait d'acheter, hors liste d'attente, une voiture tristounette, posseder une centaine de voilures et de motos extraordinaires avait certes, quelque chose d'indecent. A l'epoque, son pere etait dejà installe au même endroit, coince entre l'usine de pain et un vague garage, ou l'Etat reparait à la diable ses vehicules officiels. A l'epoque, tout devait se faire avec la plus grande discretion. Pas question de faire participer qui que ce soit d'exterieur à ces operations : les deux fils d'Alexandre Alexeevitch devront tout apprendre : la mecanique, l'electricite, le travail des cuirs et des tissus. Ils auront evidemment des problemes avec tout le monde : le Parti, l; KGB et la Milice...
« En 1985, jc suis revenu de l'armee et je me suis rendu compte que je voulais faire ma profession de ce qui n'etait encore qu'un hobby». Perestroika aidant, Dimitri va agrandir le garage familial et tenter, sans succes, d'ouvrir un musee automobile. La cooperative sera creee le 24 juin 1988. C'est lui qui la dirigera car son pere ne veut avoir aucun rapport avec l'argent. La cooperative ne vendra que les vehicules dont ils possedent plus d'un exemplaire : les autres (28 voitures, 35 motos) seront conserves pour le futur musee. Pas la peine, donc, de reclamer l'autre Mercedes à compresseur en cours de renaissance depuis 3 ans, et qui occupe le fond de la salle : « 8 cylindres, 5 litres, 160 chevaux ! Elle est presque terminee. Mon pere l'a trouvee en 1981, à moitie enlerree dans un jardin.
foto: Parmi les nombreux vestiges recuperes par îes Lomakov, notons cette maquette « l'echelle l (d'usme) du prototype ZIS-110, jamais commercialise sous celle forme.
foto: Vn * certain » desordre regne dans le garage familial. Et on n'y circule pas facilement, faute d'espace...
foto: Adler Trumpf l936 (à traction avant) : celle-ci est a vendre (pas cher) comme quelques dizaines d'autres modeles proposes par * Retromotor »...
foto: Alexandre Lomakov le maitre des lieux avec une des nombreuses motos de sa collection, en I'ocrurence un Peugeot 1914...
Nous l'avons echangee contre ie Adler et 400 roubles, mais c a a failli se negocier )ur une demi-bouteille de vin ! ». La Citroen 7 CV du rallye Paris-Moscou 1934 conduite et offerte au pouvoir sovietique par Francois Lecot, (agent general Citroen) ne vous sera pas vendue non plus. Oubliez aussi la PMZ-600, premiere moto lourde sovietique, la Krasnyi Oktiabr (Octobre Rouge) ou l'emouvante Promet (Proleiarski Metall », litteralement : le « Metal proletarien »). Tournez-vous plutot vers une Adler Trumpf Junior 35 (les Adler sont vendues aux environs des 4000 $) ou une Harley WLA 42 7000$ (10 exern-aires en stock). La cooperative Retromotor propose plus de 70 voitures et 70 motos à la vente (ZIS. ZIL, AZ, BMW, NSU, IJ, Moskva, Oural, DKW, Indian, etc.). Elle a constitue en trois ans une liste qui repertorie tous les engins dont elle connait les proprietaires.
Tout est a vendre.
La Russie est encore riche de tresors mecanicues. Les machines sont vendues aux clients entrangers restaurees etat ou telles quelles, selon la demande. Les delais de livraison peuvent etre longs car la famille Lomakov continue a tout faire elle-meme, dans le respect absolu du modelle d`origine : "memes essences de bois, memes qualites de tissus , et ainsi de suite", affirme Dimitri qui montre n petit soufflet d`amortiosseur en cuir cousu de main de maitre. Ce qui n`est pas simple, sachant que la Russie manque de tout, des instruments les plus elementaires aux coloris de peinture les plus communs. Il apparait tout aussi complique de se procurer une documentation fiable. Les competences ? « Il est encore impossible de trouver de bons artisans en Russie. Je sais qu'il y en a trois chez les Baltes, mais en general, ils partent vite à l'etranger ». Lorsque l'on roule en Harley à 18 ans en Russie, on a forcement un destin un peu extraordinaire. Dimitri veut-il simplement devenir millionnaire ? « Ce n'est pas un but mais un moyen pour moi. Ce que je veux sunout. c'est pouvoir travailler tranquillement, restaurer, developper les activites de mon club ». Le grand projet qui l'occupe en ce moment ? .L'organisation d'un rallye Moscou-Berlin au profit des aveugles russes. Des contacts ont dejà ete etablis avec le club Jaguar en RFA et les administrations susceptibles d'y contribuer. Il envisage la participation de BMW, de Mercedes, d'Harley, de Ford. de Jaguar, etc. L'internationale realisee, en quelque sorte...
« En principe, nous vendons 95 % de nos machines a des etrangers et en dollars bien sûr » precise Dimitri, qui vous laisse le soin, moyennant quelques conseils, de vous depatouiller avec les services des douanes.
Apparemment, cela se passe sans trop de difficultes : un Australien est ainsi parti avec une Harley WLA42 il y a quelques semaines, un Allemand avec sa Tchaika. Bon voyage, donc, ou plutot : « Schastlivo vam puti ! », comme on du là-bas...
Une adresse à connaître : Moscow, (CEI), Êîíòàêò Contact
:Mercedes 540 K cabriolet. une des plus belles pieces de la collection : en existe-t-ii d'autres dalu l'ex-URSS ?...
foto:Moto "Krasnyi Oktiabr" (Octobre Rouge) type « L 300 » 1935 ; elle est en parfait eM de marche, nous a-l-on dil.
Æåëàþùèå ïîìî÷ü ìóçåþ è çàèíòåðåñîâàííûå ëèöà ìîãóò ñâÿçàòüñÿ ñ Äìèòðèåì Ëîìàêîâûì:
Íàçàä íà ãëàâíóþ ñòðàíèöó ( Main page )
Åñëè ó Âàñ åñòü âîçìîæíîñòü - ðàçìåñòèòå ñíîñêó íà Ìóçåé íà ñâîåé ñòðàíè÷êå! Ïîìåñòèòå ó ñåáÿ íàø áàííåð:
Ñïåøèòå äåëàòü
äîáðûå äåëà!
http://www.lomakovka.ru/-3press.html